samedi 12 janvier 2019

Les mains en l'air personne ne bouge, c'est un audit.

Bon on est tous d'accord, les urgences c'est le bordel nécessitent des actions d'organisations et d'ailleurs tout le monde nous le dit. Alors cher lecteur si tu lis attentivement ce blog, ce dont je ne doute pas, tu en connais les raisons. Alors comment faire pour s'améliorer ou plutôt implanter un processus positif de changement au sein de l'hôpital en intégrant le fonctionnement des urgences dans un processus de parcours patient de qualité ? 
Ben y a l'audit. 
Alors cher lecteur c'est quoi l'audit ? Et ne te laisse pas pervertir par les urgentistes (qui entre nous sont tous des communistes) qui vont te dire que c'est juste "un truc qui sert à rien et qui va couter beaucoup de fric alors qu'on a pas assez de personnel?" Ces gens là n'y connaissent rien.
L'audit a pour but d'expliquer à tout le monde ce qu'on sait déjà mais en espérant que comme c'est quelqu'un d’extérieur, subitement tout le monde va accepter le diagnostic et modifier ses pratiques. 

Tiens voilà les auditeurs
Alors bien sûr il est primordial de bien choisir son cabinet d'audit. Et là cher lecteur tu te dis qu'on va prendre des personnes qui vont analyser tous les process puis t'aider à les mettre en place dans un objectif d'efficience. En français, des experts avec un bon rapport qualité prix qui vont te régler le problème ? En principe. 
Mais bon, les gens qui vont choisir le cabinet d'audit ils sont comme toi et moi. Ils aiment les belles choses. Et quand tu es directeur d'un CH de province en pleine désertification médicale, t'as quand même envie de montrer à ton pote de promo qui bosse à l'APHP en plein Paris que toi aussi tu peux claquer et t'as envie d'acheter de la marque.
Du coup le cabinet d'audit va t'aligner des consultants seniors hyper chers et hyper bardés de diplômes d'un cabinet international. 


Ou alors tu veux montrer que toi tu sais ce que c'est qu'un budget et que c'est ta vocation qui t'a amené ici en pleine France profonde et tu vas embaucher un cabinet pas (trop) cher avec d'anciens directeurs (qui eux ont trouvé un moyen de gagner des sous).  Dans les deux cas, il va falloir un médecin urgentiste, parce qu'au final c'est le seul qui va quand même comprendre ce que personne ne va dire. Bizarrement lui ne coute en général pas énormément. Parce que quand tu es prêt à embaucher un interimaire à 1200€ ou plus pour mettre un nom sur un planning, c'est quand même étrange de payer un type sensément expert sénior 3 fois moins cher pour entièrement réformer tes urgences, ou alors c'est que tu n'y crois pas vraiment (et à ceux qui me demandent pourquoi j'accepte un tarif pareil, je n'accepte pas. Bon en terme de chiffre d'affaire du coup, le mien est égal à 0 mais j'aime être considéré comme un produit de luxe. Je suis le sac Hermès de la profession).
Une fois les consultants choisis à l'issue d'une procédure de marchés publics que personne ne comprend mais qui consiste à prendre pas forcément le moins cher et pas forcément le meilleur, ils vont pouvoir faire leur audit (qui consiste à découvrir ce que tout le monde dans l'hosto sait déjà) puis rendre leur rapport. 
Alors cher lecteur parfois les objectifs de l'audit sont crédibles, parfois pas du tout. Il est fréquemment demandé aux consultants d'engager un programme d'attractivité des urgentistes. Alors soyons clairs, faire venir des urgentistes en appliquant la grille du public dans un service d'urgence en ruine dans un hôpital ravitaillé par les corbeaux, c'est juste pas possible ou alors tu as menacé leurs familles.
Les auditeurs vont interroger tout le monde du bas en haut de l’échelle, chacun va pouvoir raconter ses problèmes causés par tous les autres. Ils vont mesurer, comparer (on dit benchmarker), ils vont lire les recommandations de toutes les spécialités et réfléchir (et là lecteur contrairement à ce que ce texte pourrait faire croire, ils travaillent pour de vrai).
Après un temps très long, justifiant une réflexion intense mais pragmatique, de magnifiques présentation powerpoint vont être présentées soit à une direction et des médecins de CME (la commission médicale d'établissement, l'assemblée des médecins) en général apathiques parce qu'ils connaissent la suite soit au personnel des urgences qui va lutter pied à pied pour montrer que c'est de la faute de tous les autres. 
Alors là se présentent 2 options. La plus honnête consiste à mettre le rapport dans un tiroir et attendre le prochain audit. La seconde est d'engager une phase d'accompagnement du changement. Ce programme de coaching va consister à venir et regarder les progrès de l'organisation dans les urgences et dans les relations avec l'aval. Et quand le programme sera fini, tout reviendra comme avant.
Mais bon au final, on peut dire à l'ARS qu'on a fait un audit et c'est bien.



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Comme d'habitude, ce blog est l'expression de mes opinions personnelles, n'engage que moi et ça suffit déjà bien comme ça. ...