mardi 26 novembre 2019

Faut-il vraiment augmenter les personnels hospitaliers?

Alors lecteur, tu te dis qu'après autant de temps sans avoir publié, je sais plus quoi raconter et du coup je raconte n'importe quoi. Alors d'abord, ça fait longtemps que je raconte n'importe quoi et ensuite, je ne suis pas tout seul, j'en connais qui font ça à la télé toute la journée et même des urgentistes (et non je ne te dirais pas qui).
Il faut se rassurer, je ne vais pas me lancer dans une explication économique parce que je ne comprends rien à l'économie de la santé, comme tout le monde d'ailleurs. Et je ne suis pas devenu non plus un employé de la branche assurantielle du MEDEF et des vilains lobbys qui veulent la mort du service public pour installer une médecine à 12 vitesses, comme mon vélo (les vitesses, pas la médecine). Je ne suis pas envoyé non plus par le gouvernement pour vous expliquer que bon il ne faut pas ruiner la France qui ne va pas si bien que ça. Et même si c'est peu probable, ce ne sont pas non plus les syndicats qui me demandent d'être provocateur afin de pouvoir enfin remonter leur nombre d'adhérents. 
Non c'est après une longue réflexion et une observation de la société que je suis arrivé à cette conclusion et, cher lecteur, je te sens brûler d'impatience de savoir pourquoi les personnels hospitaliers doivent être mal payés. Alors ceux qui travaillent comme moi à l'hôpital savent que nous faisons souvent l'admiration des gens qu'on rencontre (je parle du public, les soignants du privé nous prennent pour des débiles). Et souvent, ils nous disent "heureusement que vous êtes là". Alors, certes, personne ne dit que nous ne devons pas être mieux payés, mais tout le monde le pense.

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Pourquoi ? 
Parce que nous sommes venus racheter leur péchés.
Dans une société obsédée par la consommation, par l'argent, où les bullshit jobs sont légion, où les médias sont pleins de célébrités d'un jour, dans une société en quête de sens,où tout s’accélère, savoir que des gens sont là, jour et nuit, détachés des choses matérielles, tendus vers leur prochain, c'est rassurant. Ce n'est pas du soin que nous donnons c'est de l'amour et l'amour ce n'est pas payant (sauf dans certaines circonstances mais ce n'est pas le sujet de ce post).
Alors si demain on paye le personnel à la hauteur de ses attentes, je ne parle même pas du service rendu, tout cet espoir est vain. Le soignant devient un travailleur comme un autre, il devient le producteur de soin tant vanté par la technocratie sanitaire. 
Voulons-nous devenir des producteurs de soins? Non! Jamais!
Vous, moi nous voulons être adulés, aimés (que les filles se jettent sur moi, qu'elles m'admirent , qu'elles me ... pardon je m'égare). Ce serait dommage de perdre ça pour quelque deniers.



dimanche 30 juin 2019

Petit guide du CCMU 1 et 2 a l'attention du MG et de l'urgentiste distrait

Cher lecteur, dans ce post je vais parler des CCMU 1 et 2, thème que j'ai dû évoquer au moins 12 fois dans ce blog mais à l'occasion de tweets un peu problématiques je vais rererererere-expliquer.
Pourquoi ce thème qui passionne les foules (essentiellement les syndicalistes médecins généralistes qui voudraient qu'on leur rendent ces patients, qu'on leur a volé et qu'ils pourraient voir si il y avait des généralistes).
Le tri, en vrai c'est comment ?
Tout d'abord qu'est-ce que le CCMU ? C'est la classification clinique des malades des urgences. Et ce qui est marrant c'est que selon toutes les sources c'est fait dès l'accueil par un médecin, alors que n'importe qui aux urgences sait que c'est en fait codé à la fin quand on sait ce qu'on a fait, ce qui n'est pas la même chose (et qui n’empêche d'ailleurs pas de coder des conneries, vu le nombre de patients morts qui rentrent à la maison). Le 1 c'est "état lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés stables. Abstention d’acte complémentaire diagnostique ou thérapeutique" Le 2 : Etat lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés stables. Actes à réaliser". Ce qui est en plus étrange, c'est que dans la CCMU 1, un des exemples est le malaise vagal qui nécessite un ECG, donc un acte mais passons. 

Dans la vraie vie des urgences et selon les recommandations de la SFMU (la société savante de médecine d'urgence) à l'accueil, on utilise une autre échelle, en général à 5 niveaux. En France la SFMU recommande la FRENCH (que je n'utilise pas) basée sur la CIMU (que je n'utilise pas non plus d'ailleurs). Toutes ces échelles (française, canadienne, australienne etc etc , elles sont pas si différentes)  reposent sur les constantes prises par l'infirmière (oui le médecin à l'accueil c'est nul, c'est cher, ca fait perdre du temps, ceci est mon avis) et les antécédents. Le niveau 5 est consultation et le niveau 4 c'est consultation avec acte diagnostique et/ou therapeutique. 

Les patients de faible gravité, pourquoi ne les renvoie-t-on pas?
Vous me direz ça change rien, les niveaux 5 c'est la même chose qu'une CCMU 1. Oui mais non. Encore une fois CCMU c'est après la consultation. Et là tous nos amis généralistes disent "Mais faut les renvoyer". Certes, mais l'infirmière ne peut pas les renvoyer sans avis médical et qu'est ce qu'un avis médical quand tu as interrogé le patient, vu ses constantes et éventuellement jeté un coup d'oeil voire plus : et ben ça s'appelle une consultation. Et une consultation c'est un acte médical rémunéré par un médecin qu'il faut payer. Mais là nos amis nous disent oui mais vous touchez des sous en plus. C'est vrai c'est l'ATU (d'environ 25 euros) et un autre forfait (FAU) que nous touchons tous les quelques milliers de malades) qui sert à payer l'infrastructure des urgences, un peu différente de celle d'un cabinet de MG (les locaux, le personnel administratif, paramédical 24/24 puisque les actes infirmiers ne sont pas facturés, le materiel genre scopes, défibrillateurs,etc etc). Il ne faut pas oublier que les urgences vont de toutes façon prendre en charge, les patients non couverts par la sécurité sociale aux frais de l'hôpital et le fait qu'ils soient sans couverture ne permet pas l'ATU et le FAU, ainsi que d'autres patients difficiles à intégrer dans une consultation normale. Du coup, on ne pourrait pas renvoyer tout le monde et il faudrait quand même que l'hôpital paye un médecin pour voir ces patients.  Par ailleurs ces patients sont reçus 24/24 et même si l'infirmière pouvait renvoyer tout le monde, il faudrait pouvoir les recevoir ou leur fixer un rendez-vous, ce qui pour l'instant est difficilement faisable dans certains endroits et prend du temps , qu'il faut aussi rémunérer.
Quand au dernier argument, qui me fait toujours rire, c'est que les directions nous obligent à prendre ces patients. Ca ne repose sur rien et en plus ça oblige surtout les directions à prendre des intérimaires. Aucun urgentiste que je connais considère  que c'est son rôle de voir ces patients, et si demain, on ne les voit plus ça accroitra plutôt l'attractivité. 
Un dernier point d'après le registre de la FEDORU qui regroupe les données des services d'urgences de quasi toute la France (dont l'IdF) les CCMU 1 représentent 18% des patients des urgences. c'est , page 36

Oui mais les CCMU 2, il faut aussi les adresser au généraliste.
Les Niveaux 4 sont pour une bonne partie la traumatologie qui représente 30% environ de l'activité des urgences. Une autre grande partie ce sont des douleurs abdominales (et non pas les gastro enterites qui sont du niveau 5). Je vois par ci par là des gens qui disent qu'ils peuvent les prendre en semi urgence. Je veux bien mais il existe, hélas, peu de généralistes qui font des sutures au cabinet et encore moins des radios et des plâtres  (je ne parle pas des cabinets de montagne). Maintenant mettons nous à la place du patient. Celui qui vient pour une suspicion d'appendicite. Si il se rend chez le médecin, c'est pas pour un diagnostic, c'est parce qu'il a mal au bide. Donc si le médecin juge que c'est possiblement une appendicite, il va falloir qu'il passe d'abord à la pharmacie acheter un traitement contre la douleur, puis aller au laboratoire pour voir s'il a un syndrome inflammatoire puis chez le radiologue pour une echographie et un scanner (voire les deux) puis retourner chez son médecin généraliste qui soit va l'envoyer en chirurgie (en imaginant qu'il ne repasse pas par les urgences) soit à nouveau chez le pharmacien si on a diagnostiqué une autre maladie. Et bien au final ça aura couté plus cher que le passage aux urgences. Parce que le patient hospitalisé après es urgences ne génère pas de consultation, d'ATU ou de FAU mais seulement une facturation de l'hospitalisation. Si il est passé par le généraliste, sa prise en charge aura été beaucoup plus longue (avec un mal de bide), aura généré le coût de consultation de médecine générale, de laboratoire, de scanner puis le même cout hospitalier.
Les niveaux 4 représentent environ 25 % des passages selon les sources (là faut me croire). Si les CCMU 2 représentent environ 72% des passages c'est que les CCMU 3 sont considérés comme engageant le pronostic vital. C'est pourquoi par exemple une pneumopathie chez un patient agé sous oxygène ne sera pas forcément classée en 3 mais plutôt en 2.
En pédiatrie c'est différent car les patients sont de faible gravité 4 et 5 pour environ 80% et tout le monde serait ravi (les parents en premier mais aussi les pédiatres) s'ils pouvaient éviter les urgences.
Et pour être complet, les autres niveaux sont
Niveau 3 : Prise en charge médicale en moins de 60 min (défaillance viscérale ou pronostic fonctionnel possible ou latente) Niveau 2 : Prise en charge médicale en moins de 20 min (défaillance viscérale ou pronostic fonctionnel patent mais ne justifiant
pas une technique de réanimation immédiate)
Niveau 1 : Prise en charge médicale immédiate (pronostic vital engagé justifiant une technique de réanimation immédiate)
Et bien, tu vas rire mais la moitié de ces patients vont finir par sortir (dont certains adressés par des confrères et c'est normal).
Je vous remercie d'être allé jusqu'au bout, c'est forcément incomplet mais au moins ca précisera 2 ou 3 points.
Et le prochain qui revient pour nous expliquer les CCMU 1 et 2 


lundi 24 juin 2019

Ce que personne n'ose dire pour vraiment réformer les urgences (et que ça marche)


Ce texte a été initialement publié sur le site du Huffington Post: ici et on leur dit merci

A l’heure où on parle encore des problèmes aux urgences, d’une énième grève, de savoir si oui ou non les gens viennent aux urgences pour rien, des brancards dans les couloirs, des problèmes de lits dans l’hôpital, de l’opposition privé public, et où se profile un nouveau rapport, peut-être est-il temps de réfléchir vraiment à un nouveau système plutôt que de colmater l’existant avec de vieux pansements.
Oui les urgences marchent mal ; oui elles sont soumises à la pression, prises entre un accroissement de patients, une obligation de moyen, et une absence de solutions de sortie à l’hôpital ou à la maison. Cette situation qu’on nous rabâche chaque jour n’est pas franco française mais internationale. Et comme à l’international il va falloir trouver des solutions. Le repli sur soi, le corporatisme médical, institutionnel ou la résistance au changement sont des obstacles auquel il va falloir se heurter plutôt qu’essayer de les contourner.
Il faut commencer par réformer notre préhospitalier et résoudre le conflit permanent entre pompiers et SAMU sur la régulation des appels et l’envoi des secours. Notre préhospitalier français est le Concorde de la médecine. Un outil magnifique mais cher et dont l’efficience a rarement été mesurée. Devons-nous attendre qu’il s’écrase ? Nous n’avons pas de paramédicaux formés comme dans d’autres pays où ils rendent de très grands services et pourraient faire économiser du temps de médecin dont on manque par ailleurs. Mais devant les problèmes de disponibilité des SMUR, on préfère envoyer des infirmiers, certes aguerris mais dont la formation n’a jamais été celle des paramédicaux étrangers.
On entend dire qu’il faut réguler les urgences, mais nos centres d’appels sont déjà complètement débordés. Et pourtant la régulation à la française rend de très grands services pour les patients les plus graves évitant de les faire passer par les urgences. Où trouveront-nous de la main d’œuvre médicale formée pour gérer tous les appels téléphoniques ? D’autres pays ont confié ça à d’autres professions.
Environ 20% de nos patients relèvent de la médecine générale, pardon des soins non programmés. « Il n’y a qu’à les renvoyer ». Comment ? Nous n’en avons pas le droit sans avis médical ou sans consultation ? Vers qui ? Pourquoi n’existe-il pas des échelles de tris validées, pourraient permettre de renvoyer ces patients sans mettre en danger la responsabilité de nos infirmières à l’accueil ? Non on préfère dire qu’il existe des maisons médicales de garde dont toutes les études internationales ont montré qu’elles ne participaient en rien à régler le problème des urgences. A côté des structures de soins non programmés se créent, avec des plateaux techniques, plébiscitées, elles par les patients, procurant aux urgentistes un boulot mieux payé et moins difficile. Ne devrions mous pas plutôt promouvoir ce type d’activités.
Mais éviter que les patients se présentent aux urgences, c’est aussi de l’éducation à la santé. C’est aussi la responsabilité de chacun dans la collectivité. Comment imaginer que l’hiver prochain nos urgences seront remplies de personnes fragiles pas vaccinées contre la grippe (et je ne parle même pas de ceux qui viennent actuellement avec la rougeole). C’est aussi, accepter de ne pas avoir une réponse immédiate sans une société qui promeut ce type de réponse. Car la réponse immédiate à un prix que la solidarité seule ne peut pas couvrir. Doit-on accepter au final une médecine à plusieurs vitesses en fonction de la rapidité de la réponse ?
Parmi les patients que nous recevons, environ un quart devront être hospitalisé. Hélas, ils ne trouvent un lit qu’après des heures d’attente sur un brancard. C’est bien connu et de multiples études ont montré que c’était néfaste à leur santé. De nombreux hôpitaux ont nommé des gestionnaires de lit ou bed manager. Mais ceux-ci ont un pouvoir restreint et le choix des patients à hospitaliser ne dépend pas d’eux. Les directions ne sont pas notées sur les patients dans les couloirs qui de toutes façon sont facturés comme s’ils étaient dans un lit. Les ervices receveurs eux-mêmes encombrés de patients qui ne sortent pas , n’ont pas non plus fait la révolution d’un hôpital qui tourne vraiment 24/24 quand la grande majorité des hospitalisés viennent des urgences.  
Mais soyons franc. Si les urgences fonctionnent mal, c’est aussi de notre faute à nous, urgentistes. Alors oui il manque de personnel non médical aux urgences, mais pas là où on nous le dit. Les hôpitaux universitaires concentrent les moyens humains et pourtant ce sont eux qui sont en pointe dans le mouvement de grève. Pourquoi ? Mauvaise organisation de l’aval certainement car c’est un secret de Polichinelle que les services universitaires acceptent avec difficulté le tout venant de patients. Mais ce sont aussi les services d’urgences les plus pléthoriques en personnel d’encadrement. Pourquoi ? Est-ce leur spécificité universitaire ? Et à chaque grève, ce sont ces établissement qui vont concentrer à nouveau les moyens . Ce sont eux également qui fixent des normes, impossibles à respecter pour les autres établissements et souvent sans fondement scientifique. 
Le manque de médecins urgentiste est le problème le plus souvent mis en avant avec la rudesse de leur travail. Alors soyons modernes et obligeons les urgentistes à ne plus travailler 24h d’affilée, au moins en commençant dans les grands centres. Et allons plus loin, institutions les journées de 8h, on sait que de toutes façons au-delà les gens sont moins performants. Et puis il faut le dire, comment explique la différence entre le privé et le public ? Est-ce seulement parce que les patients sont moins complexes ? Probablement. Mais étrangement il semble que les médecins du privé soient plus productifs à niveau de gravité égale des patients. Pourquoi ? Parce qu’ils sont payés à l’acte ? Devra-t-on un jour évaluer le travail de nos soignants ?
On assiste à une fuite majeure d’ailleurs de ces urgentistes vers les plateformes sans rendez-vous ou l’intérim est tellement mieux payé, détruisant nos équipes. La difficulté des urgences doit être rémunérée, l’hôpital le constate à ses dépens ; Je ne sais pas s’il faut réformer le statut de la fonction publique mais tout le monde sait qu’on ne peut pas comparer la difficulté physique d’une journée aux urgences à la plupart des autres services de l’hôpital. Et pourtant au nom de l’égalité, on perd de bons éléments épuisés et non récompensés.
Quel est l’avenir de nos infirmières ? Celles qui s’accrochent aux urgences ? Aucun sinon de se désespérer à petit feu sans autre perspective d’évolution que l’encadrement ou le départ. Permettons qu’elles puissent elles aussi devenir prescriptrices, qu’elles puissent avancer comme c’est le cas encore une fois ailleurs. C’est en bonne voie avec les infirmières de pratiques avancées sauf que celles –ci sont actuellement réservées aux pathologies chroniques et de nombreuses années s’écouleront avant qu’on en accepte aux urgences.
Enfin il serait temps de faire pénétrer les nouvelles technologies dans nos hôpitaux. Non seulement la biologie au lit du malade quand elle est nécessaire mais les différentes reformes l’ont fait plutôt disparaitre, des accès rapides en imagerie, de l’IA et non plus des heures de discussion pour obtenir un scanner comme c’est toujours le cas depuis 30 ans alors que c’est devenu un examen courant.
Mais surtout sachons nous organiser, organiser nos flux, trop de services d’urgences ne sont pas si bien organisés quoiqu’on en dise et surtout n’évaluent jamais cette organisation. Et rajouter du personnel dans un service complètement débordé sans repenser son fonctionnement, ca ne sert à rien. Il faut reconnaitre la nécessité d’un management efficace. Comment peut-on croire qu’un responsable d’un service qui reçoit des dizaines de milliers de patients tous les ans avec des équipes comportant jusqu’à une centaine de personne voire beaucoup plus, qui en permanence participe à des réunions dans l’hôpital, à l’extérieur de l’hôpital, qui doit gere son service fasse ça quand il en a le temps ?
Transformons nos urgences rapidement, car de toute façon nous n’avons pas le choix. La transformation de notre système de santé mettra des années à se faire, celle de nos urgences doit être plus rapide. 

dimanche 12 mai 2019

Secret story

Cher lecteur, depuis fort longtemps, je me disais que ce serait bien d'écrire un article sur les relation entre la police et les urgences et sur le secret médical. Comme le sujet est touchy et que j'ai suffisamment d'ennuis comme ça (et que je suis un peu lâche), j'ai toujours repoussé. Mais l'actualité récente me poussent à ouvrir déchirer ma chemise et à révéler ma vraie personnalité de superhéros. 
Récemment a éclaté l'affaire SI-VIC que je vais résumer pour mes futurs lecteurs de mes œuvres lorsqu'elles seront publiées dans la Pléiade. Au mois de novembre 2018 ont commencé des manifestations hebdomadaires dites des gilets jaunes. Ces évènements ont provoqués des heurts violents entre les forces de l'ordre et les manifestants. Très rapidement les samedis suivant, en décembre, les hôpitaux ont reçu la consigne de mettre en place le registre SI-VIC de victimes de situations sanitaires exceptionnelles en séparant les victimes civiles identifiées par leur nom, prénom etc, des victimes appartenant aux forces de l'ordre identifiées par leur numéro d'identification. De nombreux (voire la plupart) urgentistes se sont interrogés voire ont refusé de le remplir, certains en le déclarant officiellement à leur administration. Pourquoi, parce qu'ils pensaient que SI-VIC n'étaient pas fait pour ça et qu'en plus les victimes civiles étant probablement surtout des manifestants, cela revenait à les ficher, d'autant plus que la police était identifiée différemment. Les urgentistes considéraient également que ce fichier, comme tout fichier informatique pouvait être transféré aux forces de l'ordre, et là ami lecteur tu verras que c'est un point très intéressant à la base de la polémique.
Il y a eu de nombreux échanges entre professionnels, en direct, par mails et sur les réseaux sociaux. Les autorités ont été prévenues de ce problème, au moins de façon officieuse et il a été répondu officiellement que les manifestations étaient considérées comme un évènement à risque sanitaire majeur, que le fichier était couvert par le secret médical et déclaré à la CNIL en tant que tel et non transmissible au ministère de l’Intérieur. Dont acte, ce qui n'a pas empêché de nombreux urgentistes de continuer à ne pas le remplir (ce qui ne leur a pas demandé beaucoup d'efforts, vu qu'ils ne répondent jamais aux questionnaires). Les hôpitaux ont souvent demandé à leurs administratifs de le faire, souvent mollement. 
Un article a même été publié dans Mediapart (lecteur du futur, il s'agissait d'un journal sur internet très à gauche) par un syndicaliste des urgences. Mais celui-ci étant éloigné des urgences et s'indignant toutes les semaines pour un sujet différent, cela n’eut pas beaucoup de portée.
Jusqu'à ce jour fatal où à l'occasion d'une garde un samedi, un urgentiste/présentateur TV découvrit les messages SI-VIC. Fort de ses réseaux et de son audience, il lança une campagne médiatique qui aboutit à un article dans le Canard Enchainé (et lecteur du futur, tu connais, ça existe encore). Comme ce n'était pas suffisant une pétition fut lancée qui présentait plusieurs caractéristiques : elle dénonçait un éventuel fichage des orientations politiques, religieuses et sexuelles (qui n'existent pas dans SI-VIC ou même dans les dossiers médicaux et dont les médecins se foutent complètement), elle statuait que les signataires défendraient le secret médical de leur vaillante poitrine.

Et surtout elle ne fut signée que par des gens à qui on le proposait (comment je le sais? On me le proposa et oui j'utilise le passé simple si je veux). Résultat, il n'y avait que deux urgentistes qui bossaient vraiment aux urgences sur les 100 signataires, dont un appartenant au même syndicat que celui qui avait fait l'article dans Mediapart, ainsi qu'une ribambelle de personnalités médicales dont les points communs étaient qu'ils n'avaient pas foutu les pieds aux urgences depuis Mathusalem et d'être politiquement et publiquement opposés au gouvernement, de gauche et de droite (ce qui montraient la soudaine ouverture d'esprit des membres de l'extrême gauche à l'origine de la pétition). On trouvai même des médecins à la carrière controversée habitués du site d'Alain Soral (là cher lecteur du futur, c'est normal que tu ne connaisses pas. Il s'agit d'une fripouille raciste et antisémite qui après son séjour en prison tomba dans les oubliettes de l'histoire).
En réalité, le problème du secret médical est un problème récurrent aux urgences ou parfois les clients de la police sont aussi les nôtres, et vice et  versa. Tout d'abord, on a beaucoup glosé sur SI-VIC dont le fichier risquait d'être transmis aux autorités mais en réalité en région parisienne où a éclaté le scandale, la police et les pompiers partagent le même plateau d'appels. Les logiciels sont séparés et on nous assure que tout est fait pour protéger le secret médical et il n'y a aucune raison de ne pas le croire. Malgré les tensions entre rouge et blancs, les médecins restent des médecins avec les mêmes règles. Mais là où la transmission de SI-VIC nécessiterait un transfert physique du fichier d'un endroit à l'autre, on se trouve ici avec des fichiers au même endroit et donc plus de facilité pour croiser les informations.
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Une fois aux urgences, il n'est donc pas rare que la police nous amène des clients. Souvent pour des ivresses et là nous répondons à une question simple sur la possibilité de garder les patients à la police ou chez nous (chacun espérant que ce soit chez l'autre). C'est une situation fréquente et simple, même si elle n'est pas dénuée de risque et on a connu plusieurs affaires de morts en cellule de dégrisement.Là où ça se corse, c'est lorsque la police nous amène des gens en garde à vue, parfois pour des examens toxicologiques. C'est la réquisition. Mais là encore de mon point de vue de béotien c'est encore relativement simple si on est réquisitionné quand on nous amène l'individu mis en cause (je parle comme un fonctionnaire de la police). On m'a appris que je devais dire au patient que j'étais réquisitionné pour donner des informations à la police qui ne seraient pas couvertes par le secret médical. A charge pour le patient de ne pas me raconter ses turpitudes. Pour les victimes qui se présentent, nous remettons un certificat de coups et blessures en main propre qui leur permet (OU PAS) de porter plainte. Tout va bien. Tout le monde est content avec la paperasse. Youpi.
Et puis si la police a besoin du dossier après, il saisissent un juge qui envoient des officiers de police judicaires saisir le dossier avec une représentant de l'Ordre qui s'assure que tout est fait pour préserver le dossier médical. encore Youpi.
En vrai, ca ne se passe pas toujours comme ça.
Souvent la police demande des trucs qu'ils considèrent comme urgents et surtout que le secret médical n'est qu'un secret professionnel qui n'est pas opposable aux forces de l'ordre. Par exemple une réquisition a posteriori (le patient est parti donc il ne peut pas savoir que vous étiez réquisitionnés, d'ailleurs vous ne le saviez pas non plus) parce que saisir un dossier c'est compliqué et en général c'est super urgent (des fois c'est vrai, des fois...moins), des demandes de certificat de coups et blessures sans que le patient soit au courant et sans que vous sachiez s'il a réellement porté plainte. et dans certains endroits, ce genre de pratique est assez répandue et d'autres non.
Alors certains urgentistes acceptent, d'autres non. Et dans ce cas, les réactions sont parfois folkloriques allant jusqu'à la menace du procureur (et il est très décevant voire vexant que celui-ci finalement n'appelle jamais).
Vous me direz et le conseil de l'ordre. Ben comment dire? Il y a son site plutôt bien fait mais dont la police et parfois le service juridique de l'hôpital disent que c'est une mauvaise interprétation de la loi. Et les conseils qui sont le plus souvent "non mais y a jamais de poursuites" qui sont très rassurants. 
Voilà après ce très long post je voudrais remercier les policiers qui viennent tous les jours dans nos services et avec qui ça se passe bien. Je voudrais aussi remercier ceux sans qui je n'aurais pas pu écrire ce texte et parmi eux mes préférés : celui qui a menacé de me mettre "au cachot avec les pinces" parce que je lui ait demandé de refaire la réquisition (il ne m'a pas "jeté au trou" au grand dam de l'IDE qui avait déjà sorti son téléphone pour m'immortaliser) ou celle qui a appelé le procureur parce que j'avais écrit un beau courrier pour refuser de décrire les pathologies et les traitements dont souffrait le gardé à vue que j'avais interdit de visite (c'est d'ailleurs la seule fois ou le substitut m'a appelé. Très surpris de sa propre réquisition). 
Alors pour finir évidemment


samedi 12 janvier 2019

Les mains en l'air personne ne bouge, c'est un audit.

Bon on est tous d'accord, les urgences c'est le bordel nécessitent des actions d'organisations et d'ailleurs tout le monde nous le dit. Alors cher lecteur si tu lis attentivement ce blog, ce dont je ne doute pas, tu en connais les raisons. Alors comment faire pour s'améliorer ou plutôt implanter un processus positif de changement au sein de l'hôpital en intégrant le fonctionnement des urgences dans un processus de parcours patient de qualité ? 
Ben y a l'audit. 
Alors cher lecteur c'est quoi l'audit ? Et ne te laisse pas pervertir par les urgentistes (qui entre nous sont tous des communistes) qui vont te dire que c'est juste "un truc qui sert à rien et qui va couter beaucoup de fric alors qu'on a pas assez de personnel?" Ces gens là n'y connaissent rien.
L'audit a pour but d'expliquer à tout le monde ce qu'on sait déjà mais en espérant que comme c'est quelqu'un d’extérieur, subitement tout le monde va accepter le diagnostic et modifier ses pratiques. 

Tiens voilà les auditeurs
Alors bien sûr il est primordial de bien choisir son cabinet d'audit. Et là cher lecteur tu te dis qu'on va prendre des personnes qui vont analyser tous les process puis t'aider à les mettre en place dans un objectif d'efficience. En français, des experts avec un bon rapport qualité prix qui vont te régler le problème ? En principe. 
Mais bon, les gens qui vont choisir le cabinet d'audit ils sont comme toi et moi. Ils aiment les belles choses. Et quand tu es directeur d'un CH de province en pleine désertification médicale, t'as quand même envie de montrer à ton pote de promo qui bosse à l'APHP en plein Paris que toi aussi tu peux claquer et t'as envie d'acheter de la marque.
Du coup le cabinet d'audit va t'aligner des consultants seniors hyper chers et hyper bardés de diplômes d'un cabinet international. 


Ou alors tu veux montrer que toi tu sais ce que c'est qu'un budget et que c'est ta vocation qui t'a amené ici en pleine France profonde et tu vas embaucher un cabinet pas (trop) cher avec d'anciens directeurs (qui eux ont trouvé un moyen de gagner des sous).  Dans les deux cas, il va falloir un médecin urgentiste, parce qu'au final c'est le seul qui va quand même comprendre ce que personne ne va dire. Bizarrement lui ne coute en général pas énormément. Parce que quand tu es prêt à embaucher un interimaire à 1200€ ou plus pour mettre un nom sur un planning, c'est quand même étrange de payer un type sensément expert sénior 3 fois moins cher pour entièrement réformer tes urgences, ou alors c'est que tu n'y crois pas vraiment (et à ceux qui me demandent pourquoi j'accepte un tarif pareil, je n'accepte pas. Bon en terme de chiffre d'affaire du coup, le mien est égal à 0 mais j'aime être considéré comme un produit de luxe. Je suis le sac Hermès de la profession).
Une fois les consultants choisis à l'issue d'une procédure de marchés publics que personne ne comprend mais qui consiste à prendre pas forcément le moins cher et pas forcément le meilleur, ils vont pouvoir faire leur audit (qui consiste à découvrir ce que tout le monde dans l'hosto sait déjà) puis rendre leur rapport. 
Alors cher lecteur parfois les objectifs de l'audit sont crédibles, parfois pas du tout. Il est fréquemment demandé aux consultants d'engager un programme d'attractivité des urgentistes. Alors soyons clairs, faire venir des urgentistes en appliquant la grille du public dans un service d'urgence en ruine dans un hôpital ravitaillé par les corbeaux, c'est juste pas possible ou alors tu as menacé leurs familles.
Les auditeurs vont interroger tout le monde du bas en haut de l’échelle, chacun va pouvoir raconter ses problèmes causés par tous les autres. Ils vont mesurer, comparer (on dit benchmarker), ils vont lire les recommandations de toutes les spécialités et réfléchir (et là lecteur contrairement à ce que ce texte pourrait faire croire, ils travaillent pour de vrai).
Après un temps très long, justifiant une réflexion intense mais pragmatique, de magnifiques présentation powerpoint vont être présentées soit à une direction et des médecins de CME (la commission médicale d'établissement, l'assemblée des médecins) en général apathiques parce qu'ils connaissent la suite soit au personnel des urgences qui va lutter pied à pied pour montrer que c'est de la faute de tous les autres. 
Alors là se présentent 2 options. La plus honnête consiste à mettre le rapport dans un tiroir et attendre le prochain audit. La seconde est d'engager une phase d'accompagnement du changement. Ce programme de coaching va consister à venir et regarder les progrès de l'organisation dans les urgences et dans les relations avec l'aval. Et quand le programme sera fini, tout reviendra comme avant.
Mais bon au final, on peut dire à l'ARS qu'on a fait un audit et c'est bien.



Le choix des lecteurs

voila l'été, voila l'été

Comme d'habitude, ce blog est l'expression de mes opinions personnelles, n'engage que moi et ça suffit déjà bien comme ça. ...