Ce texte a été initialement publié sur le site du Huffington Post: ici et on leur dit merci
A l’heure où on parle encore des problèmes aux urgences, d’une énième grève, de savoir si oui ou non les gens viennent aux urgences pour rien, des brancards dans les couloirs, des problèmes de lits dans l’hôpital, de l’opposition privé public, et où se profile un nouveau rapport, peut-être est-il temps de réfléchir vraiment à un nouveau système plutôt que de colmater l’existant avec de vieux pansements.
A l’heure où on parle encore des problèmes aux urgences, d’une énième grève, de savoir si oui ou non les gens viennent aux urgences pour rien, des brancards dans les couloirs, des problèmes de lits dans l’hôpital, de l’opposition privé public, et où se profile un nouveau rapport, peut-être est-il temps de réfléchir vraiment à un nouveau système plutôt que de colmater l’existant avec de vieux pansements.
Oui les urgences marchent mal ; oui elles sont soumises
à la pression, prises entre un accroissement de patients, une obligation de
moyen, et une absence de solutions de sortie à l’hôpital ou à la maison. Cette
situation qu’on nous rabâche chaque jour n’est pas franco française mais
internationale. Et comme à l’international il va falloir trouver des solutions.
Le repli sur soi, le corporatisme médical, institutionnel ou la résistance au
changement sont des obstacles auquel il va falloir se heurter plutôt qu’essayer
de les contourner.
Il faut commencer par réformer notre préhospitalier et
résoudre le conflit permanent entre pompiers et SAMU sur la régulation des
appels et l’envoi des secours. Notre préhospitalier français est le Concorde de
la médecine. Un outil magnifique mais cher et dont l’efficience a rarement été
mesurée. Devons-nous attendre qu’il s’écrase ? Nous n’avons pas de
paramédicaux formés comme dans d’autres pays où ils rendent de très grands services
et pourraient faire économiser du temps de médecin dont on manque par ailleurs.
Mais devant les problèmes de disponibilité des SMUR, on préfère envoyer des
infirmiers, certes aguerris mais dont la formation n’a jamais été celle des
paramédicaux étrangers.
On entend dire qu’il faut réguler les urgences, mais nos
centres d’appels sont déjà complètement débordés. Et pourtant la régulation à
la française rend de très grands services pour les patients les plus graves
évitant de les faire passer par les urgences. Où trouveront-nous de la main
d’œuvre médicale formée pour gérer tous les appels téléphoniques ?
D’autres pays ont confié ça à d’autres professions.
Environ 20% de nos patients relèvent de la médecine générale,
pardon des soins non programmés. « Il n’y a qu’à les renvoyer ».
Comment ? Nous n’en avons pas le droit sans avis médical ou sans
consultation ? Vers qui ? Pourquoi n’existe-il pas des échelles de
tris validées, pourraient permettre de renvoyer ces patients sans mettre en
danger la responsabilité de nos infirmières à l’accueil ? Non on préfère
dire qu’il existe des maisons médicales de garde dont toutes les études
internationales ont montré qu’elles ne participaient en rien à régler le problème
des urgences. A côté des structures de soins non programmés se créent, avec des
plateaux techniques, plébiscitées, elles par les patients, procurant aux
urgentistes un boulot mieux payé et moins difficile. Ne devrions mous pas
plutôt promouvoir ce type d’activités.
Mais éviter que les patients se présentent aux urgences,
c’est aussi de l’éducation à la santé. C’est aussi la responsabilité de chacun
dans la collectivité. Comment imaginer que l’hiver prochain nos urgences seront
remplies de personnes fragiles pas vaccinées contre la grippe (et je ne parle
même pas de ceux qui viennent actuellement avec la rougeole). C’est aussi,
accepter de ne pas avoir une réponse immédiate sans une société qui promeut ce
type de réponse. Car la réponse immédiate à un prix que la solidarité seule ne
peut pas couvrir. Doit-on accepter au final une médecine à plusieurs vitesses
en fonction de la rapidité de la réponse ?
Parmi les patients que nous recevons, environ un quart
devront être hospitalisé. Hélas, ils ne trouvent un lit qu’après des heures
d’attente sur un brancard. C’est bien connu et de multiples études ont montré
que c’était néfaste à leur santé. De nombreux hôpitaux ont nommé des
gestionnaires de lit ou bed manager. Mais ceux-ci ont un pouvoir restreint et
le choix des patients à hospitaliser ne dépend pas d’eux. Les directions ne
sont pas notées sur les patients dans les couloirs qui de toutes façon sont
facturés comme s’ils étaient dans un lit. Les ervices receveurs eux-mêmes
encombrés de patients qui ne sortent pas , n’ont pas non plus fait la
révolution d’un hôpital qui tourne vraiment 24/24 quand la grande majorité des
hospitalisés viennent des urgences.
Mais soyons
franc. Si les urgences fonctionnent mal, c’est aussi de notre faute à nous,
urgentistes. Alors oui il manque de personnel non médical aux urgences, mais
pas là où on nous le dit. Les hôpitaux universitaires concentrent les moyens
humains et pourtant ce sont eux qui sont en pointe dans le mouvement de grève. Pourquoi ?
Mauvaise organisation de l’aval certainement car c’est un secret de
Polichinelle que les services universitaires acceptent avec difficulté le tout
venant de patients. Mais ce sont aussi les services d’urgences les plus pléthoriques
en personnel d’encadrement. Pourquoi ? Est-ce leur spécificité
universitaire ? Et à chaque grève, ce sont ces établissement qui vont
concentrer à nouveau les moyens . Ce sont eux également qui fixent des
normes, impossibles à respecter pour les autres établissements et souvent sans
fondement scientifique.
Le manque de
médecins urgentiste est le problème le plus souvent mis en avant avec la rudesse
de leur travail. Alors soyons modernes et obligeons les urgentistes à ne plus
travailler 24h d’affilée, au moins en commençant dans les grands centres. Et
allons plus loin, institutions les journées de 8h, on sait que de toutes façons
au-delà les gens sont moins performants. Et puis il faut le dire, comment
explique la différence entre le privé et le public ? Est-ce seulement
parce que les patients sont moins complexes ? Probablement. Mais
étrangement il semble que les médecins du privé soient plus productifs à niveau
de gravité égale des patients. Pourquoi ? Parce qu’ils sont payés à l’acte ?
Devra-t-on un jour évaluer le travail de nos soignants ?
On assiste à
une fuite majeure d’ailleurs de ces urgentistes vers les plateformes sans
rendez-vous ou l’intérim est tellement mieux payé, détruisant nos équipes. La
difficulté des urgences doit être rémunérée, l’hôpital le constate à ses
dépens ; Je ne sais pas s’il faut réformer le statut de la fonction
publique mais tout le monde sait qu’on ne peut pas comparer la difficulté
physique d’une journée aux urgences à la plupart des autres services de
l’hôpital. Et pourtant au nom de l’égalité, on perd de bons éléments épuisés et
non récompensés.
Quel est
l’avenir de nos infirmières ? Celles qui s’accrochent aux urgences ?
Aucun sinon de se désespérer à petit feu sans autre perspective d’évolution que
l’encadrement ou le départ. Permettons qu’elles puissent elles aussi devenir
prescriptrices, qu’elles puissent avancer comme c’est le cas encore une fois
ailleurs. C’est en bonne voie avec les infirmières de pratiques avancées sauf
que celles –ci sont actuellement réservées aux pathologies chroniques et de
nombreuses années s’écouleront avant qu’on en accepte aux urgences.
Enfin il
serait temps de faire pénétrer les nouvelles technologies dans nos hôpitaux.
Non seulement la biologie au lit du malade quand elle est nécessaire mais les
différentes reformes l’ont fait plutôt disparaitre, des accès rapides en
imagerie, de l’IA et non plus des heures de discussion pour obtenir un scanner
comme c’est toujours le cas depuis 30 ans alors que c’est devenu un examen
courant.
Mais surtout
sachons nous organiser, organiser nos flux, trop de services d’urgences ne sont
pas si bien organisés quoiqu’on en dise et surtout n’évaluent jamais cette
organisation. Et rajouter du personnel dans un service complètement débordé
sans repenser son fonctionnement, ca ne sert à rien. Il faut reconnaitre la
nécessité d’un management efficace. Comment peut-on croire qu’un responsable
d’un service qui reçoit des dizaines de milliers de patients tous les ans avec
des équipes comportant jusqu’à une centaine de personne voire beaucoup plus,
qui en permanence participe à des réunions dans l’hôpital, à l’extérieur de
l’hôpital, qui doit gere son service fasse ça quand il en a le temps ?
Transformons
nos urgences rapidement, car de toute façon nous n’avons pas le choix. La
transformation de notre système de santé mettra des années à se faire, celle de
nos urgences doit être plus rapide.
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